Le mythique château de la Buzine, qui fut la propriété de Marcel Pagnol et le cadre de son livre Le Château de ma mère, est-il en passe de devenir un énième centre culturel et social entre les mains de la gauche, une nouvelle « maison de quartier » ? L’annonce par la mairie de Marseille de ne pas reconduire l’association du château de la Buzine présidée par Nicolas Pagnol, le petit-fils de l’écrivain, pour le confier au Centre de culture ouvrière (CCO) ressemble « à une purge politique par la NUPES marseillaise », nous confie au téléphone Valérie Boyer, sénatrice (LR) des Bouches-du-Rhône.
Pour renouveler sa délégation de service public, le 3 février, la mairie de Marseille tenue par Benoît Payan (PS) a lancé un appel d’offres. Objectif : permettre à l’affectataire de gérer et animer ce lieu de culture de 2.400 m2, doté d’une salle de cinéma et de spectacle, de plusieurs salles d’expositions et d’ateliers, d’un espace médiathèque et d’un restaurant. Après examen des dossiers, le comité a donc porté son choix sur le Centre de culture ouvrière (CCO). La décision sera soumise au conseil municipal le 30 juin. Le CCO ? Il s’agit d’un mouvement national composé d’une quinzaine d’associations dont l’objectif vise à « donner accès à toutes les cultures, développer la citoyenneté et promouvoir l’émancipation de toutes les femmes et tous les hommes quel que soit leur milieu social ».
Un choix idéologique ?
Même si le communiste Jean-Marc Coppola, adjoint au maire en charge de la culture « pour toutes et tous », s’en défend, le changement de vocation du château, que Marcel Pagnol avait rêvé en cité du cinéma, semble radical. La Buzine ne sera pas confiée à un gestionnaire de sites culturels mais bien à un mouvement qui ne cache pas ses ambitions très « sociales » : « Œuvrer, au travers de ses engagements, à une réelle transformation sociale et sociétale », « réduire les inégalités sociales », « promouvoir une ouverture à l’autre facilitant l’enrichissement mutuel » ou encore « sensibiliser aux enjeux de l’écologie politique ». Comme en témoigne la liste des différents équipements et dispositifs du CCO, le prochain délégataire du château de Marcel Pagnol est spécialisé dans les centres sociaux, lieux d’accueil RSA, action socio-éducative liée au logement ou accès au droit pour les étrangers…
L’Association du château de la Buzine assure qu’elle n’avait pas démérité. Elle aurait obtenu de « très bons rapports » et aurait multiplié par huit la fréquentation des lieux en cinq ans, avec 80.000 visiteurs par an. Pourtant, c’est de manière très cavalière, par un simple coup de fil, que Nicolas Pagnol a appris la décision de la ville.
Une décision qui fait réagir
Depuis cette annonce, les réactions indignées fusent de toutes parts. Pour l’acteur Philippe Caubère, qui a interprété Joseph Pagnol, cet instituteur si touchant dans les deux joyaux cinématographiques adaptés de La Gloire de mon père et du Château de ma mère, c’est « un crime contre l’art. Contre l’esprit. Contre Marseille ». L’artiste, qui a maintes fois longé le fameux canal du château à pied, fustige la décision de la mairie qu’il juge « incompréhensible et assassine ». Il est l’un des signataires de la pétition (11.000 signatures, le 16 juin au soir) lancée, le 15 juin, par Nicolas Pagnol pour que le château de la Buzine reste « le symbole de ce qui unit tous les Provençaux à l’œuvre de Marcel Pagnol mais, bien plus encore, à leurs racines, à leur langue, à leurs traditions, à leur identité, à la Provence ».
De son côté, Valérie Boyer remarque, auprès de BV : « Marseille est un des lieux de France où il y a déjà le plus de centres sociaux aujourd’hui. » L’élue dénonce des « prétextes fallacieux ». Renaud Muselier, président (Renaissance) de la région PACA, sur Twitter, se dit « scandalisé, comme tant de Marseillais, par le traitement réservé à Nicolas Pagnol par la ville de Marseille ». Pour lui, c’est un « choix incompréhensible, illisible ». Sylvain Souvestre, maire (LR) des XIe et XIIe arrondissements de Marseille, reproche à Benoît Payan « d’y installer un appareil politique, une officine d’extrême gauche sous la forme associative ». Des internautes attachés au symbole de ce lieu rappellent qu’« il y a d’autres bâtiments inoccupés ou inutiles où faire des centres sociaux. Laissons la Buzine à Pagnol ! » ou encore qu’« un pareil lieu culturel, mémoire vivante de ce que fut et est toujours Marcel Pagnol pour d’innombrables Provençaux, ne peut pas être confié à n’importe qui pour en faire n’importe quoi. Ce serait un crime contre la culture de La Provence. »
Dépassé par les nombreux messages de soutien, le petit-fils de Pagnol, n’a pas répondu à nos sollicitations. Marcel Pagnol n’était pas un homme de droite, mais si ce château compte tant de soutiens, c’est que son œuvre n’était pas idéologique ou militante (contrairement à celle du CCO) mais qu’elle valorise les coutumes et les personnages locaux, à des années-lumière de la déconstruction souhaitée par la gauche. La mairie, qui n’a pas répondu non plus à notre demande, se contente d’adresser un communiqué de presse assurant « que le patrimoine de Marcel Pagnol serait préservé et que toute la place serait donnée à son œuvre dans ce lieu ». Mais, dans ce cas, pourquoi éconduire son descendant ?